Victor et Léa ont fait un périple leur permettant de relier la France à Taiwan sans avion

De France à Taiwan sans avion

Le projet « La Route du soja – Une expédition bas-carbone vers un horizon végétal » documente un voyage durable

Victor Fighiera et Léa Nora ont entamé un périple inédit de neuf mois, partant de leur ville d’origine, Poitiers en France, et traversant deux continents jusqu’à Taïwan. En tout, ils ont parcouru 50 000 kilomètres en train, en bus et en ferry, sans prendre l’avion. L’objectif ? Découvrir l’alimentation végétale et promouvoir le voyage bas-carbone. J’ai eu le privilège de m’entretenir avec ce duo inspirant pour vous faire découvrir leur parcours et leurs meilleurs conseils. 

La Route du soja : un quadruple défi 

L’itinéraire du voyage a été conçu en suivant la route de la soie jusqu’à Hong Kong, la capitale gastronomique du soja, d’où le nom du projet « La Route du soja – Une expédition bas-carbone vers un horizon végétal ». Le projet est né d’abord d’une envie de reconversion professionnelle : Victor, qui était déjà allé à Hong Kong, rêvait d’y retourner et de se former à la fabrication de tofu artisanale pour ramener ce savoir-faire en France. Léa, de son côté, souhaitait découvrir l’univers de la pâtisserie végétale et du thé en Asie pour ouvrir un Salon de thé à son retour. 

Ce tournant dans leurs vies était l’occasion idéale pour se lancer dans une grande aventure en septembre 2023. Pour rendre le voyage le moins polluant possible, ils ont décidé de bannir l’avion et de privilégier le train comme moyen de transport. Un autre aspect important du voyage était de s’arrêter en Géorgie pour rendre visite à la famille de Léa. Tout ça, en maintenant une alimentation végane ou minimalement végétarienne, qui permet également de réduire de façon significative l’empreinte carbone.

Le binôme s’est ainsi retrouvé avec un quadruple défi : la logistique pour se rendre à Hong Kong sans avion, la formation pour la reconversion professionnelle, la visite de la famille et le maintien d’une alimentation végétale. 

Bilan : les quatre défis ont été relevés. Victor a eu la chance de se former pendant un mois à Taïwan dans un atelier traditionnel de tofu. Il a acquis beaucoup de connaissances sur la préparation du tofu et du lait de soja. Léa, de son côté, a travaillé dans une pâtisserie et a effectué un détour en solo au Vietnam et au Cambodge. Des centaines de personnes ont suivi le projet sur leur page Instagram La Route du Soja, sur laquelle les voyageurs documentaient leur expérience et partageaient des recettes végétales. 

Itinéraire parcouru par Victor et Léa pour se rendre de Poitiers, en France, jusqu’à Taïwan.

Comment planifier un long voyage sans avion ? 

Aller de France à Taïwan sans avion n’est pas chose commune, Victor et Léa ne possédaient pas beaucoup d’informations avant d’entamer le voyage.  « En Europe, le ferroviaire est très courant et répandu, explique Léa. Sur la partie Asie centrale, c’était un peu plus compliqué, mais on s’est rendu compte en cherchant sur internet qu’on pouvait facilement trouver les sites pour réserver les billets. » Avant de partir, ils ont tracé un itinéraire approximatif, mais ils ont seulement réservé des billets de train pour les 10 premiers jours. « Quand tu es en route, tu as envie de changer tes plans, de voir autre chose qui n’était pas prévu. Pas besoin de se prendre 6 mois à l’avance pour planifier un long voyage! », lance Victor. 

Victor et Léa dans un train avec couchettes pour les trajets de nuit

La flexibilité de leur parcours a été très avantageuse, car l’itinéraire a été chamboulé au moment de rejoindre l’Asie. Leur plan initial consistait à passer par l’Azerbaïdjan, mais le pays a fermé ses frontières, obligeant le duo à passer par la Russie. C’était l’option de dernier recours, et la plus compliquée aussi. Victor et Léa ont dû soumettre une demande de visa de transit, qui leur a octroyé 72 heures pour traverser le pays. Les réservations de billets de bus étaient également plus ardues en raison de la barrière linguistique. 

Autre défi rencontré par les deux aventuriers : se rendre à Taïwan, une étape qui n’était pas prévue au départ. Victor pensait se former à Hong Kong, mais on lui a offert d’aller se former à la fabrication de tofu artisanale à Taïwan durant un mois. Petit hic : c’est une île, donc les possibilités pour s’y rendre sont limitées :  « on n’avait aucune information sur comment faire, explique Léa. C’est le seul moment du voyage où on s’est dit “on est bloqués”. ». Le duo a fini par découvrir une connexion de ferry entre la Chine et Taïwan. Cependant, toute l’information disponible en anglais datait d’avant la Covid-19 et avant la situation géo-politique délicate entre les deux pays.  Après quelques discussions avec des officiers, ils ont réussi à rejoindre le point de départ du ferry :  Fuzhou, une ville sur la côté chinoise près de Taïwan. « On a eu beaucoup de chance, car un ferry partait le lendemain, donc on a réussi à rejoindre Taïwan sans prendre l’avion. C’était le moment où on avait le moins de contrôle sur la situation ». 

Redécouvrir le soja et l’alimentation végétale

Durant le voyage, Victor et Léa ont découvert plusieurs plats salés à base de soja : « j’étais très surprise de la versatilité du produit, les différentes façons de le cuisiner dans les pays qu’on a traversés. Au niveau des saveurs, j’étais agréablement surprise. C’était super inspirant ! », raconte Léa. 

Préparer le tofu comme des prosAprès le périple de la route du soja, Victor nous revient avec quelques conseils pour cuisiner le tofu de manière savoureuse. J’ai testé et le résultat est plus qu’approuvé !Presser le tofu : une étape qu’on a trop souvent envie de sauter, mais qui fait la différence au niveau de la texture. Pas besoin d’équipement spécialisé, il suffit de prendre un torchon pour envelopper le tofu et de le coincer entre deux objets plutôt lourds.  Pour permettre au tofu de devenir absorbant, mettez-le au congélateur pour la nuit, sans marinade. Sortir le tofu du congélateur et le laisser décongeler. Il va perdre son eau et devenir comme une éponge. Ensuite, mettre dans la marinade et le laisser au moins 12 heures. ll va ainsi absorber toutes les saveurs! 
Peaux de tofu suspendues à sécher dans un atelier traditionnel.

En revanche, les pâtisseries végétales n’étaient pas aussi présentes qu’elle l’aurait espéré, considérant que le soja est un ingrédient de plus en plus populaire, notamment le lait de soja et le tofu soyeux.

C’est avec tous ces apprentissages que Léa et Victor se lancent maintenant dans l’entrepreneuriat : Léa prévoit d’ouvrir un salon de thé dans le centre de Poitiers à la mi-septembre en offrant une gamme 100 % végétale. Victor, après sa formation d’un mois, a commandé des machines spécialement conçues à Taïwan pour produire du tofu. Il utilisera du soja cultivé localement dans un rayon de 20 kilomètres, et pourra approvisionner Léa avec du tofu soyeux et du lait végétal pour ses boissons végétales et ses pâtisseries. 

5 conseils pour voyager bas-carbone

J’en ai profité pour demander aux deux aventuriers quelques conseils pour celles et ceux qui aimeraient commencer à voyager bas-carbone. Voici leurs 5 meilleures astuces : 

  • Faire preuve de souplesse quand on voyage en train ou en autobus, on est plus exposés aux fluctuations de la nature. Par exemple, lorsque Léa devait quitter Taïwan pour rejoindre la Chine et se rendre au Vietnam, son ferry a été retenu trois jours en raison d’intempéries. Il est donc idéal de prévoir un itinéraire qui peut s’adapter facilement en cas d’imprévus. 
  • Télécharger les bonnes applications : Dans certains pays, Google Maps et d’autres applications occidentales ne vous seront pas d’une grande utilité. À partir de la Géorgie, Victor et Léa ont dû s’adapter en téléchargeant des applications utilisées à l’étranger. Par exemple, en Chine, 01236 est une application que peu de gens connaissent, mais qui est très utile. Autre exemple : Yandex, une alternative à Uber, est pratique à avoir en cas de besoin.
  • Pour voyager en Europe, considérez le forfait Eurail (Interrail pour les Européens), qui permet de voyager un certain nombre de jours dans la plupart des lignes européennes et d’économiser. En Asie, les trains sont beaucoup moins chers. 
  • Voyager léger : les sacs de Victor et Léa faisaient près de 20 kilos chacun, ce qui n’est pas toujours pratique pour se déplacer en train et en autobus.  « Ne prenez pas vos ordis si vous n’en avez pas de besoin, et dans tous les trains que vous allez prendre, il y a des draps propres fournis », lance Victor. 
  • Toujours avoir un tupperware léger et hermétique : surtout si vous voulez voyager avec une alimentation végane, cela permet d’anticiper des imprévus et également d’économiser. 

Pour celles et ceux du Canada qui souhaiteraient voyager en Asie un jour, Victor souligne qu’en termes d’impact climatique, il est beaucoup plus intéressant de couper le trajet pour faire une partie en train lorsque possible plutôt que de se rendre à la destination finale en avion. « Cela réduit de façon significative votre empreinte. Après, si vous pouvez traverser l’océan en cargo, c’est encore mieux ! », lance-t-il. 

Victor et Léa vont maintenant se concentrer sur leurs projets professionnels et sur des voyages plus locaux. Le grand périple leur a donné envie de découvrir davantage certaines régions de la France et de l’Europe en train. Une aventure qui leur aura permis d’entamer un tournant professionnel aligné avec leurs valeurs et objectifs, mais aussi de montrer qu’il est possible d’aller à l’autre bout du monde avec des modes de transports alternatifs. 

*Nous employons ici le terme « Soja » puisque l’article porte sur des personnes provenant de France, mais le terme « Soya » est celui employé au Canada. 

Cet article a été rédigé en collaboration avec The Starfish Canada, il est également disponible sur leur journal des jeunes.

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