Découvrir l’Islande à travers l’art, avec Camille Rasseneur 

Artiste visuelle et photographe outdoor, Camille s’intéresse particulièrement aux territoires de montagne et aux territoires nordiques. En 2022, elle a eu la chance de vivre un an en Islande dans le cadre d’un Erasmus,  voyage qui lui a permis de connecter avec ses intérêts profonds.  « Quand j’étais enfant, j’avais en moi ce truc qui me disait : plus tard, je vais être artiste et exploratrice polaire. Et ça ne m’a jamais vraiment quitté. », lance-t-elle en début de récit.

Camille Rasseneur, artiste visuelle et photographe outdoor, a étudié les Beaux-arts à Besançon et est maintenant installée dans les montagnes du Jura. Crédit photo : Camille Rasseneur 

Son périple l’a menée de l’Est à l’Ouest de ce pays nordique aux paysages polaires, puis à faire le tour de l’île en auto-stop, skis sur le dos pour se livrer à des randonnées. Pendant ce temps, elle est allée à la rencontre de personnes aux horizons et origines variées pour documenter leur relation au territoire, qu’elle présente dans son film « l’Art des fjords » et son mémoire intitulé « Bjolfur, Voix de Fjords ».  

Immersion artistique à la LungA School de Seyðisfjörður

Durant ses études des Beaux-Arts à Besançon, en France, Camille a eu l’opportunité d’aller un an en Islande.  Son expérience se divisait initialement en deux grandes parties : un premier stage à l’Est du pays; et un deuxième à l’Ouest. C’est ainsi qu’en septembre 2022, elle met le pied dans un petit village de l’Est qui s’appelle Seyðisfjörður, au bord de l’océan, pour son premier stage. « En arrivant en Islande, j’ai vraiment eu l’impression d’être de retour à la maison. C’était super fort parce que je ne connaissais pas ce pays, mais j’avais une sensation familière, une connexion très forte », raconte-t-elle. Elle passe trois mois à cet endroit, plus précisément dans la LungA School, une école d’art alternative où elle a pu expérimenter la vie en communauté avec une vingtaine de personnes aux origines diversifiées. Les semaines alternent entre des workshops avec des artistes invités et des ateliers de pratique artistique.

Inspirée par les territoires nordiques, la pratique artistique  Crédit photo : Camille Rasseneur 

Camille se dirige ensuite vers la péninsule Snæfellsnes, à l’Ouest du pays, pour son deuxième stage auprès d’un photographe-vidéaste, passionné par le shooting d’aurores boréales. Cependant, le stage a pris abruptement fin quand le père du maître de stage a eu un grave accident de voiture. « C’est à ce moment-là que j’ai rencontré un couple d’expatriés Français qui s’étaient installés dans ce même village. Ils m’ont proposé de me loger le temps que je retrouve quelque chose. », explique Camille. Elle est restée quelques semaines au village, où elle rencontre d’autres communautés d’artistes.

Le tour de l’Islande en auto-stop, skis sur le dos

Avec le stage annulé, Camille n’avait plus de plans devant elle, c’est alors que surgit l’idée de réaliser le tour de l’île en stop avec ses skis sur le dos. Une expérience très humaine mais comportant son lot de défis :   « Les gens étaient super aidants. S’il avait une voiture qui passait, elle s’arrêtait. Mais par contre, il y a très peu d’habitants, alors parfois je devais attendre une ou deux heures avant que quelqu’un s’arrête. » Elle avait également emporté ses skis, étant une passionnée de Telemark, l’ancêtre du ski alpin. « Les spatules peuvent être les mêmes, mais les fixations qui sont différentes : on laisse le talon libre à la montée comme à la descente, à l’inverse des skis de rando où on raccroche le talon à la descente. On a l’impression de danser sur la neige! », lance-t-elle.

Camille pratique le Telemark, l’ancêtre du Ski alpin. Elle a apporté ses skis sur son dos en Islande.

Une telle aventure requiert beaucoup de volonté et de débrouillardise. Avec les conditions climatiques particulières de l’Islande, les imprévus étaient très fréquents : « Il y a certaines fois où les routes étaient fermées et je devais m’arrêter dans des stations service, dormir sur une banquette, parce que tout était fermé. Il fallait attendre plusieurs jours avant que les routes ouvrent à nouveau ». Elle m’explique qu’elle devait bien préparer ses provisions pour tenir, avoir un bon équipement pour le froid et d’être capable de dormir n’importe où, « Il faut être à l’aise avec le fait qu’on ne va pas avoir beaucoup de confort. », renchérit-elle. 

Pour Camille, cette expérience dans ce territoire nordique a été puissante   : « On doit prendre le temps d’expérimenter, de ressentir dans notre corps, parce qu’on n’en sort pas indemne, c’est vraiment assez transformateur. Il y a cette présence-là des volcans, cette présence brouillonnante, et à la fois, c’est glacial. Il y  a le vent aussi, que je n’avais jamais ressenti aussi fortement dans mon corps », explique l’exploratrice.

La quête de Camille en Islande se situe dans le contact avec les éléments, qui est omniprésent. Tout au long de son voyage, elle a cherché à ressentir cette connexion. Crédit photo : Camille Rasseneur

Une communauté tissée serrée, où les arts sont à l’honneur

Au cours de son périple, Camille est allée à la rencontre des populations locales pour réaliser le film « Art des fjords », qui met en valeur des personnes ayant en commun l’expression de la créativité en lien avec leur territoire, à travers différentes pratiques artistiques. Elle a rencontré, par exemple, des guides de montagne, des photographes, des artistes et bien plus. 

Un aspect qui l’a marquée de l’islande est comment la créativité y est omniprésente : « Même dans le moindre petit village de pêcheurs de 600 habitants, c’est assez fréquent que les gens aient écrit un livre, qu’ils peignent ou fassent de la sculpture, par exemple ».  L’accès à l’art est facilité : il y a des résidences d’artistes et des ressources mises en place pour le développement de pratiques artistiques.  Je pense que le rapport à l’ennui est différent », dit-elle « Les gens sont amenés à explorer leur créativité du fait de leur dépouillement ». 

C’est aussi un pays qui subit beaucoup de catastrophes naturelles.«  Je me rappelle de ce village dans les Fjords de l’Est qui avait été frappé par un immense glissement de terrain en 2020.  Il y a des pentes de montagnes qui sont parties dans l’océan avec plein de maisons. C’était quelque chose d’assez violent. Et du coup, c’est vraiment toute l’entraide qui en découle. », raconte Camille. 

Camille a ainsi découvert une communauté tissée serrée, qui se réinvente grâce à l’entraide et la créativité. « Ce sont des personnes très spontanées, qui vivent dans le moment présents et qui sont très résilientes. C’est ce qui m’a le plus inspirée et je vais essayer de garder cette mentalité, cet esprit de communauté ».

L’Islande, victime de surtourisme? Peut-on y voyager de façon responsable?

Quand je demande à Camille comment elle a perçu le tourisme en Islande, elle a remarqué des enjeux particulièrement dans la capitale, Reykjavík et dans certains lieux naturels très prisés. « J’ai vu des comportements qui me frappaient pas mal. C’était carrément des gros bus de touristes qui arrivaient sur un lieu pour peut-être le voir à peine un quart d’heure et encore c’était  juste prendre un selfie devant une cascade et puis repartir. Et il y a vraiment aussi cet aspect consommation des paysages qui est aussi présent. » Elle a perçu beaucoup de tourisme dans l’optique de bucket list, de cocher des cases d’endroits à voir, au point où un chauffeur qui l’a prise en stop lui a mentionné voir des touristes qui recherchent seulement une étampe sur le passeport. 

Les Islandais trouvent la situation inquiétante et s’en plaignent. Différentes mesures ont été mises en place pour réguler le tourisme, par exemple l’augmentation des coûts des parkings puisque c’est un pays où on voyage beaucoup en voiture. Pour Camille, un point critique est dans la façon dont on documente nos voyages et dont on en parle : « C’est une grande responsabilité. On a envie de raconter ce qu’on vit, et en même temps on n’a pas envie que des milliers de personnes s’y agglutinent ». Une approche qu’elle trouve intéressante est celle des lieux secrets : partager des photos mais sans préciser le lieu où elles ont été prises.  On peut se poser la question « Quand on partage, est-ce que ça va donner à des personnes une fear of missing out de ne pas être là? ». Cela peut guider la façon dont on formule nos récits et on documente nos aventures.

Suite à cette aventure islandaise très transformatrice, Camille poursuit à présent son travail artistique dans son atelier au coeur du massif Jurassien, en lien avec les éléments et les territoires nordiques. Elle rêve de pouvoir participer à des résidences d’artistes en Norvège, en Finlande ou encore au Canada, pour aller encore plus loin dans l’exploration du sensible et des éléments, et créer des projets en collaboration avec des glaciologues, des naturalistes, des guides de montagne, etc. 

Son travail artistique est visible sur son site web et sur instagram @enfant.de.la.foret     

En parallèle de son art visuel, Camille développe aussi un travail de photographie outdoor, pour accompagner les « passeurs de nature » comme elle aime à les appeler, pour les aider à transmettre par l’image leurs messages de sensibilisation aux enjeux environnementaux des territoires nordiques et de montagne : https://camillerasseneur-photo.myportfolio.com/home ; instagram : @camille.rasseneur.photographe  

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